Descendre et «trouver son fond»

Malgré des dépendances complètement différentes – cocaïne, alcool, héroïne, night-clubs, jeux vidéo, cannabis ou nourriture – les témoignages recueillis dans ces podcasts se ressemblent étrangement: tous racontent une descente aux enfers qui se poursuit jusqu’à «trouver son fond». À ce stade, beaucoup pensent à se donner la mort. L’une des personnes interviewée dans ce webdoc a même été hospitalisé après une tentative de suicide.

C’est que la décision de s’en sortir ressemble effectivement à une question de vie ou de mort: «Est-ce que je continue à me détruire jusqu’au bout ou est-ce que je me donne une seconde chance et je mets tout en œuvre pour réussir?» racontent les anciens dépendants, chacun avec ses mots. Ils ont tous choisi la deuxième option. Ils confient aussi que si la décision est plutôt simple à prendre, la rémission est longue. Parfois, une autre substance vient remplacer la première un certain temps. Parfois, des rechutes et des découragements retardent la sortie du tunnel.

Plus d'excuses, mais une entière responsabilité

Un autre point commun à tous réside dans la volonté d’assumer l’entière responsabilité de l’addiction, ainsi que le regret d’avoir fait souffrir ses proches. Les justifications comme «Ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de la société», «Ce n’est pas si grave, tout le monde fait pareil», «Il y a pire que moi» ne font pas (ou plus) partie de leurs propos. «Ce qui est important, c’est de savoir qu’on en est là parce qu’on a fait des choix, et qu’on s’en sortira parce qu’on fera des choix», résume Angie, ancienne héroïnomane témoignant dans le cadre de ce dossier.

Enfin, tous affirment que lorsqu’on veut s’en sortir, il est nécessaire de quitter l’entourage dépendant. «J’ai arrêté entièrement de voir certains amis qui fumaient, se souvient William, ancien accro au cannabis. C’était trop dangereux pour moi. Pendant longtemps, je n’ai fréquenté que mes nouveaux amis rencontrés aux Narcotiques Anonymes.»

«Ce qui est important, c’est de savoir qu’on en est là parce qu’on a fait des choix, et qu’on s’en sortira parce qu’on fera des choix»

«Tu te prends pour un boss»

Pourtant, leur vision sur leur ancienne dépendance diffère. Certains sont particulièrement tranchants, comme Dino, ancien cocaïnomane: «Tu te prends pour un big boss en soirée, mais en fait, tu n’es rien du tout, tu fais juste de la merde.» Le regard est aussi sévère chez Franck: «Quand on est alcoolique, on refait le monde en paroles et on croit qu’on a de bonnes idées. En fait, on tourne en rond et on ressasse les mêmes choses. Après ma cure, j’ai arrêté de fréquenter mes anciens amis alcooliques, car leurs conversations ne m’intéressaient plus.» D’autres ont une vision plus tolérante de leur ancienne addiction et l’intègrent comme une partie constitutive de leur identité: «J’ai vécu des expériences de planage merveilleuses sous héroïne, confie Angie. Je me souviens parfois avec nostalgie de ces sensations, même si tout ce qui est autour ne me manque pas du tout, à savoir trouver des veines assez visibles pour s’injecter la drogue, courir après les dealers, survivre à la vie dans la rue, etc.»

Angie estime également que la présentation des effets agréables de la drogue dans la prévention est importante: «Il faut dire aux jeunes que la drogue, c’est bon. Et que c’est bien pour ça que c’est dangereux. Car si on ne parle que des conséquences néfastes, le jeune qui essaie se dira que l’adulte lui a menti, que c’est trop cool. Il ne croira donc plus ce qu’on lui a dit sur les effets négatifs, puisqu’on lui aura caché une partie de la vérité.»

Un point de vue que ne partage pas Dino, préconisant la tolérance zéro. Il raconte avoir récemment grondé violemment un jeune qui avait ramené de l’herbe dans les vestiaires du club de football de son fils. «Je lui ai dit que c’était un minable de ramener de la drogue dans un lieu où s’entraînaient plein de jeunes. Je l’ai renvoyé chez lui. Il était tout rouge. Je crois que ça l’a fait réfléchir.»

«Il faut dire aux jeunes que la drogue, c’est bon. Et que c’est bien pour ça que c’est dangereux»
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