On risque de se retrouver nez à museau avec l’impressionnant mais si obéissant frison Platon, que les employés «parquent» littéralement dans un coin, contrairement à d’autres chevaux qui nécessitent d’être tenus. Le solitaire spot bleu qui éclaire discrètement les coulisses permet à peine de définir les contours de la robe lustrée de l’animal. Avec douceur mais détermination, il fouille les poches à la recherche d’une friandise. En un clin d’œil, une main marocaine bienveillante nous glisse quelques bouchons de céréales pour satisfaire l’animal, qui déploiera toute sa puissance contrôlée quelques minutes plus tard devant un public conquis.
Derrière ce rideau noir, on trouve aussi très souvent le clown blanc Yann Rossi, à chaque fois dans un autre costume scintillant, qui vérifie l’avancée du spectacle (décrypté ici) sur l’écran de contrôle.
Échauffement de la mâchoire
Soudain, on remarque quelqu’un qui apparaît derrière la grande échelle menant au balcon où trônent les neuf musiciens polonais de l’orchestre. Il s’agit d’Yves Nicols, du duo d’acrobates aériens Golden Dream, qui doit chauffer les muscles de sa mâchoire. Le corps totalement sprayé de peinture dorée – on le recroisera nerveux le lendemain matin en attente d’un colis lui amenant des recharges pour son costume volatil. Imperturbable, il se suspend à la structure métallique par les dents, occupant le moins de place possible pour ne pas déranger l’impressionnant va-et-vient des garçons de pistes portant d’énormes tapis, dont la rapidité rappelle un team de Formule 1 au moment du changement de pneus.
Bondissante comme à l’accoutumée, Chanel Knie (8 ans) virevolte entre cette zone sombre confinée et la zone extérieure toujours couverte par le chapiteau. C’est là que se prépare le jongleur Viktor Kee avec ses boules de lumière et que les deux colosses roumains Ballance soulèvent de la fonte avant leur numéro tout de force et de maîtrise. Pas facile dans ces conditions de se préparer au mieux, de se retrouver dans sa bulle et de se concentrer en dépit de la musique, des odeurs de crottin, de transpiration et de parfums sucrés, des réactions du public et des allers-retours incessants.
Une famille «normale»
Les Knie, eux, ont le luxe de pouvoir se préparer un peu à l’écart. Une petite roulotte pour Franco Knie junior, son épouse chinoise, Linna Knie-Sun, et leur fils Chris Rui (13 ans), pas loin des cages abritant les oiseaux qu’ils ont dressés pour cette tournée 2019. Une autre, servant surtout de vestiaire, pour la branche «équine» avec Marie-José, Fredy junior, Géraldine, Maycol, Ivan et Chanel Knie. Sous la lumière blafarde des néons, ils retouchent leur maquillage de scène, vérifient leurs messages sur leurs téléphones et s’intéressent au déroulement de la journée – qui s’est occupé d’acheter un cadeau d’anniversaire pour la petite copine de Chanel – comme une famille «normale».
Le sentiment qui prédomine est celui d’une organisation ultraprécise, d’absence de stress et de solidarité absolue. Quand, soudain, un bruit inhabituel nous attire à l’extérieur. Une partie de ping-pong s’est improvisée entre Ivan Knie et Wioris Errani, son partenaire du numéro de «double poste hongroise» (les voltigeurs sont debout sur les croupes de deux chevaux chacun). Encore en costume, ils ont simplement revêtu une veste en attendant le grand final où tous les artistes se rejoignent au centre du chapiteau. Il est presque 23 heures et le lendemain, c’est reparti pour un énième tour de piste!