«Un écoquartier n’est pas un village bucolique»

Qu’est-ce qui définit un écoquartier? La végétation, l’efficience énergétique, la vie sociale, ou un mélange de tout ça? Exemple avec le quartier des Vergers, à Meyrin.


Trois tours massives plantées dans un décor très minéral. À première vue, quand on l’aborde par la route de Meyrin, le nouvel écoquartier des Vergers ne semble pas vraiment différent de celui de la Jonction, l’espace en plus. Il faut déambuler dans la quiétude des immeubles de taille plus modeste qui s’alignent le long d’allées plantées d’arbres encore jeunes, il faut parler avec les commerçants et les habitants fourmillant de projets communautaires pour découvrir l’autre facette du quartier. Alors, même si les premiers résidents doivent encore cohabiter avec les pelleteuses et les bétonneuses, on sent déjà que l’endroit correspond davantage à l’idée qu’on peut se faire d’un écoquartier.
Mais au fond, qu’est-ce qui se cache derrière ce néologisme à la mode, qui recouvre des réalités très diverses sur le terrain? Un écoquartier comprend deux volets, l’un environnemental et l’autre social. Empreinte écologique minimale, efficience énergétique maximale, mixité sociale et intergénérationnelle, organisation participative et nombreux espaces communs: voilà les éléments de base d’un écoquartier. On veille aussi à y mêler habitat et activités, pour éviter d’en faire une cité-dortoir, et on relègue généralement le trafic motorisé en sous-sol.

Impliquer les habitants

Tous ces ingrédients sont dosés différemment selon les cas. On peut y ajouter une bonne louche de végétation, mais ce n’est pas un critère indispensable aux yeux de tous. «Un écoquartier, ce n’est pas forcément l’image bucolique villageoise qu’on s’en fait, estime Anita Frei, membre du comité de l’association Écoquartiers-Genève. La densification n’est pas antinomique avec un écoquartier.» Pour elle, la dimension participative est peut-être la plus importante: «Il faut que cette démarche soit lancée le plus en amont possible, comme c’est le cas pour le secteur Grosselin du projet Praille-Acacias-Vernets, où les gens sont en train d’imaginer le futur concept énergétique du quartier. Il est plus difficile d’insuffler une dynamique participative quand beaucoup de décisions ont déjà été prises.»

Aux Vergers, les futurs habitants et les Meyrinois impliqués dans le processus participatif tout au long du projet ont imaginé un vaste programme autour de l’alimentation. Ils ont souhaité recréer toute une filière alimentaire à l’échelle du quartier. Une coopérative agricole exploitera des cultures maraîchères ainsi que les centaines d’arbres fruitiers qui ont été plantés. Sa production sera vendue dans le supermarché participatif paysan La Fève, de même que les produits proposés par une autre coopérative regroupant un boulanger, un fromager, un boucher, un laitier et une conserverie.

Un autre groupe travaille à la mise sur pied d’un poulailler itinérant pour approvisionner le quartier en œufs. «Au cours des discussions, l’alimentation est apparue comme une des préoccupations majeures de la population, relate le maire de Meyrin, Pierre-Alain Tschudi, qui a suivi le projet d’écoquartier depuis le début, d’abord comme conseiller municipal, puis comme magistrat. C’est ainsi qu’est né le concept «de la fourche à la fourchette», qui part du constat que l’industrie agroalimentaire est l’un des principaux émetteurs de CO2», confie l’élu Vert.

Tenir compte des erreurs passées

Sur le plan énergétique, tout le quartier est chauffé grâce à une synergie avec la Zimeysa. L’eau de la nappe d’accompagnement du Rhône, devenue chaude après avoir servi à refroidir les installations de la zone industrielle et à climatiser l’Hôpital de la Tour, va chauffer les logements avant d’être évacuée dans le Nant d’Avril et le Rhône via le lac des Vernes, créé artificiellement à cet effet. Les immeubles sont par ailleurs équipés de vastes surfaces de panneaux solaires.

Malgré les milliers d’arbres et d’arbustes plantés, malgré les potagers collectifs, certains trouvent que le quartier est encore trop bétonné. D’autres déplorent la monotonie des blocs d’immeubles alignés sur des rues tracées au cordeau. Mais dans l’ensemble, les premiers habitants sont ravis de vivre là. «Je retrouve une ambiance de village, se réjouit Gisèle Matthey-Doret, habitante de la coopérative Polygones. Les gens se connaissent, il y a beaucoup d’activités qui se développent, notamment pour les jeunes.» Une autre résidente apprécie surtout de pouvoir laisser ses enfants jouer dans les rues sans crainte des voitures.

La patronne du Bibi Café, Jennifer Barben, ne voyait pas de meilleur endroit pour ouvrir son établissement destiné aux familles, avec sa salle de jeux et son parking à poussettes. «J’ai vu l’écoquartier Eikenott, à Gland, mais pour moi, les Vergers représentent l’idéal.» Président de la commission ad hoc du Conseil municipal meyrinois sur les Vergers, le PLR Pierre Boccard considère toutefois qu’il y a quelques points noirs. «Certains petits immeubles sont trop rapprochés. S’ils étaient plus élevés de deux étages, on aurait pu gagner de l’espace au sol pour avoir plus de verdure.» L’élu souhaiterait que l’on recense au niveau cantonal les erreurs à éviter dans les futurs écoquartiers. «Nous devons apprendre de nos erreurs. Chaque projet d’écoquartier en a connu dans sa réalisation, parce qu’on ne tient pas assez compte de ce qui s’est fait ailleurs.»

«Je retrouve
une ambiance de village.
Les gens se connaissent, il y a beaucoup d’activités
qui se développent, notamment
pour les jeunes.»
© Tamedia