L’un est attaquant, l’autre défenseur. Patineurs hors pair, les deux sont Lettons, pétris de talent et nourrissent plein d’espoirs avec ce Ge/Servette flamberge au vent. Deniss Smirnovs et Sandis Smons, qui ont débarqué dans la Cité de Calvin en 2014, sont désormais considérés comme des joueurs suisses: un bel atout pour les Aigles. «Genève est devenue notre deuxième maison», s’exclament-ils en chœur, dans les gradins, alors que vient de s’achever l’entraînement. «On se met où? On a toute la patinoire pour nous!» se marre le premier nommé, ex-capitaine des juniors élites, appelé à devenir l’une des grandes révélations de la saison.

À côté de lui, celui qui était déjà son coéquipier en Lettonie sourit. Il a aussi été son adversaire avant de le rejoindre à Riga. Il connaît bien l’oiseau! «Deniss a toujours été sérieux et travailleur. C’est un leader apprécié dans une équipe, dit-il, admiratif. Il a une bonne vision et marque beaucoup de buts. En plus, c’est une bonne personne qui aime bien faire des blagues.»

Au tour du buteur de passer le puck à son pote qui n’a pas son pareil pour assurer ses arrières: «Sandis, que je connais depuis longtemps, est un très bon défenseur, capable d’attaquer et qui répond toujours présent. C’est un bon gars dans un vestiaire, qui apporte son énergie.» S’il est possible qu’il démarre la saison à Sierre, «c’est pour revenir ici plus fort», se persuade-t-il, conscient qu’il a besoin d’acquérir du temps de jeu et de l’expérience avant d’effectuer le grand saut. Quelques matches suffiront.

Le duo fait déjà la paire et bientôt l’affaire d’un club qui a déjà exploité leur classe pour remporter trois titres avec les novices (2016) et les juniors élites (2018 et 2019). «À notre arrivée, nous avions été accueillis par M. Paradis», se souviennent-ils aujourd’hui. Comme s’il agissait, pour eux, d’un signe. Selon leurs dires, ils ont posé leurs patins dans le jardin d’Eden. «Je me rappelle que nous stressions beaucoup dans l’avion», enchaîne Deniss, qui n’oubliera jamais, comme son camarade, la première fois qu’il a franchi la porte des Vernets, avant de s’installer chez Kaspars Daugavins, leur prestigieux compatriote, qui a fait briller, cette année-là, la glace des Grenat.

Arrivés à 14 ans

C’est la première fois que ces deux talents s’absentaient aussi longtemps de leur maison, qu’ils coupaient le cordon avec leur pays. «Je pense que ce départ pour la Suisse, alors que nous avions 14 ans, a été moins compliqué pour nous que pour mes parents», pense Deniss, qui s’était préparé avant de venir à vivre seul, cuisiner et faire la lessive. Les deux Lettons remercient aujourd’hui leurs coéquipiers et leur famille d’accueil qui les ont beaucoup aidés dans leur intégration, comme se débrouiller dans cette ville qu’ils adorent.

«Si je suis à chaque fois content de partir chez moi à Riga, je me réjouis aussi de revenir, raconte Deniss, qui vit aujourd’hui à Carouge avec Petr Cajka. Avec ses montagnes tout autour et le Jet d’eau, c’est comme un rêve d’habiter ici. On a tout pour être heureux.» Un paradis, on l’a dit, c’est aussi l’avis de son coéquipier des Avanchets. «Tout est magnifique, s’enthousiasme le défenseur. Il suffit de monter dans le bus et tu es à la patinoire ou en ville, tout est très proche, c’est génial.»

Les deux anciens juniors de Riga avouent qu’ils ne ne pouvaient pas mieux tomber. «On dit que les Suisses sont froids, alors il ne faut pas venir chez nous, prévient Smirnovs. Au niveau des mentalités, à Genève, les gens sont vraiment plus sympas.» Idem pour la nourriture, les Baltes ont été surpris en bien. «J’adore la raclette et la fondue», se délecte Sandis, alors que son pote, lui, n’en fait pas tout un fromage. Il préfère un bon steak ou une entrecôte. «Même si c’est plus cher que chez nous, c’est vrai que je ne me lasse pas d’un bon morceau de viande», sourit-il. Si l’appétit vient en mangeant, ni l’un, ni l’autre n’ont encore goûté à la longeole, de la même manière qu’ils ne connaissent pas encore les paroles du Cé qu’è lainô. Les Genevois d’adoption, qui ont déjà un peu pris l’accent, ont promis de s’y coller.

En attendant ils se concentrent sur ce début d’exercice. Si de nombreux observateurs estiment que les Aigles voleront surtout en dessous de la barre, ce n’est forcément pas l’avis des deux néophytes. «Je pense que nous allons être la bonne surprise de la saison!» Tout comme le staff, les dirigeants et leurs coéquipiers, ils en sont convaincus. «On va prendre nos responsabilités pour nous qualifier en play-off», promet Sandis. «Nous sommes une équipe jeune avec une bonne énergie mais il y a aussi de bons leaders», poursuit l’attaquant «rookie» qui devrait, lui, commencer aux Vernets. «Pour l’instant on ramasse des pucks après l’entraînement, mais c’est la tradition. Cela ne me dérange pas car cela me permet de rester plus longtemps sur la glace!» Une fois que ce centre a des patins aux pieds, difficile de l’arrêter. C’était déjà le cas avec les juniors où durant plus de trois ans, lui et Sandis ont travaillé avec Pat Emond. Avec le nouveau chef à la bande, ils ont décroché deux titres, leur troisième après celui obtenu en novices avec François Bernheim et Igor Fedulov.

«Pat est un très bon entraîneur qui mérite d’être à ce niveau aujourd’hui, estime Deniss. Nous avons une bonne relation avec lui mais cela ne signifie pas qu’on va jouer sous prétexte que nous sommes proches.» C’est aussi le sentiment de son camarade. «Les joueurs l’aiment beaucoup parce qu’il est sympa et qu’il favorise le dialogue, mais si tu commets des erreurs sur la glace, il ne fera aucun cadeau. Le coach reste le coach.» Et ces Lettons de bons élèves plein d’espoirs...

Christian Maillard