Léa nous en fait voir des vertes et des pas mûres

Dans ce dernier épisode de notre série d’été, apprenons avec Jérémie et sa maîtresse à accorder les adjectifs de couleur.

Bonjour à tous! Nous aurons passé un bel été ensemble, mais malheureusement, c’est déjà la fin de mes aventures sous vos yeux. Snif... Pas le choix, je dois retourner à l’école. J’espère quand même que je vais vous manquer, parce qu’en tout cas, de mon côté, vous me manquerez beaucoup! Mais attention, pas question de broyer du noir aujourd’hui, non, voyons la vie en rose et rêvons en couleurs! Et quoi de tel qu’une bonne explication grammaticale pour cela, hein!? En tout cas, c’est comme ça que la maîtresse nous a présenté la règle de l’accord des adjectifs de couleur l’an passé… j’ai d’abord ri jaune, puis agité le chiffon rouge, mais j’ai finalement dû baisser pavillon quand la maîtresse m’a regardé dans le blanc des yeux. Donc voilà ce que Léa, notre maîtresse toujours souriante et enjouée, nous a dit:

«Pour commencer, les enfants, n’ayez pas une peur bleue de ce qui va suivre, les règles d’accord des adjectifs de couleur sont très simples. Il faut diviser les cas en deux catégories, les adjectifs variables et ceux qui sont invariables. Tout d’abord, partez du principe que les adjectifs de couleur s’accordent et qu’il y a, comme toujours en français, des exceptions. Ensuite, il est vrai qu’il y a des exceptions aux exceptions.»

Autant vous dire qu’à ce moment-là, tous les élèves de la classe étaient blancs comme des linges, ou des cachets d’aspirine, c’est vous qui voyez, mais ne vous inquiétez pas, ils ont vite repris des couleurs, parce que Léa sait toujours dédramatiser les situations.



«N’ayez pas une peur bleue de l’accord des adjectifs de couleur!»

Léa, la maîtresse de Jérémie

Des pulls rose?

Elle continua donc: «Ainsi, on parlera de cordons-bleus, d’alertes rouges ou encore de blouses blanches, là tout s’accorde. En revanche dans notre deuxième catégorie, invariable, nous allons retrouver tous les adjectifs dérivés de noms qui existent, comme des tenues orange, des images turquoise ou encore, pour les amateurs de football et de hockey, les joueurs grenat.» Ah, super, me suis-je écrié, j’ai compris! ça veut donc dire que je dois écrire des pulls rose et des pantalons violet? «Alors désolée Jérémie, mais ce sont justement des exceptions. Dans ces cas-là, on accorde les adjectifs, tout comme pour écarlate, fauve, incarnat, vermeil, châtain, mauve et pourpre.» Grrr, vert de rage, j’ai tiré à boulets rouges sur la maîtresse, mais je crois que j’ai franchi la ligne jaune… Elle m’a lancé un regard noir et, apeuré de recevoir une volée de bois vert, j’ai bien dû hisser le drapeau blanc.

Des vestes kakies?

Puis Léa a repris ses explications: «Donc sont aussi invariables les adjectifs de couleur dérivés d’une langue étrangère, comme auburn, nacarat ou kaki. Toujours dans la catégorie des adjectifs que l’on n’accorde pas, on retrouve tous ceux qui sont composés de plusieurs mots. Par exemple, on écrira des yeux brun-vert ou des cravates gris-bleu. Vous remarquerez qu’il y a un trait d’union entre les deux adjectifs parce que ce sont deux couleurs.

Sont également invariables des formes comme gris clair, vert foncé ou bleu azur, mais dans ce cas, il n’y a pas de trait d’union. Pour terminer, il va arriver que des adjectifs de couleur se suivent ou soient séparés par un «et», dans ce cas c’est le sens qui induit l’accord. On peut citer l’exemple suivant: des drapeaux bleu, blanc, rouge; en l’occurrence il s’agit d’un drapeau comportant ces trois couleurs, mais on pourrait dire des drapeaux bleus, blancs, rouges dans le cas où il y aurait des drapeaux bleus, des drapeaux blancs et des drapeaux rouges.»

Les couleurs politiques

Quand j’ai raconté tout ça à mon papa, il s’est exclamé: «Mais c’est une marée noire de matière grise qui s’étend sur votre classe!» Eh oui, papa! Mais ça me surprend que tu ne m’aies pas encore cité une phrase sur la politique ou la religion, dis donc! «Oh, eh bien si tu insistes, Jérémie, je vais te parler d’Alphonse Karr. Cet homme a vécu plusieurs vies en une. Il était écrivain et rédigea de nombreux articles dans «Le Figaro», où il eut beaucoup de responsabilités. Opposé à la monarchie constitutionnelle, il fut un adversaire farouche à Napoléon III, ce qui ne lui réussit pas. Coïncidence concernant les couleurs: il finit sa vie dans le commerce de fleurs... sur la Côte d’Azur où il dut s’exiler; on dit d’ailleurs de lui qu’il avait la main verte!
Il était un ami de Victor Hugo, avec qui il a présidé la Ligue populaire contre la vivisection et dont il partageait des valeurs fondamentales. D’où cette phrase sous sa plume: «Quelle étrange chose que la propriété, dont les hommes sont si envieux! Quand je n’avais rien à moi, j’avais les forêts et les prairies, la mer et le ciel ; depuis que j’ai acheté cette maison et ce jardin, je n’ai plus que cette maison et ce jardin.»

Mais pour en revenir à nos moutons... blancs, évidemment, voilà une de ses phrases les plus célèbres: «Les couleurs politiques sont comme les couleurs du peintre, elles n’ont qu’une surface mince et cachent toutes la même toile.»








Voilà les amis, notre série d'été est terminée. Mais n'oubliez pas, vous pouvez me retrouver dans le cahier Formation de la "Tribune de Genève" dès la rentrée. Alors pas de panique, on se revoit tout bientôt!

© Tamedia