Grasshopper relégué, Servette promu, un monstre sacré croise l’autre dans l’ascenseur émotionnel. Au moment où les Sauterelles ont les pattes coupées, la Super League reprend des teintes grenat: ombre fuyante pour les uns, clarté glorieuse pour les autres. À en croire ceux qui vont, dans l’élite, accueillir Servette, la passion triste de GC n’entame en rien l’écho joyeux du retour grenat au premier plan. Au contraire.

Si l’on a pu mesurer toute l’aura de Servette au fin fond de la Suisse, à Tuggen par exemple en Promotion League, où les anciens arboraient les vieux maillots grenat d’antan tout en accompagnant leur progéniture dans une sorte de pèlerinage touchant, on doit aussi relever que le retour des Servettiens dans l’élite réjouit tout le monde.

Cela dépasse le cadre de la curiosité. Il y a la réalité économique qui intéresse les futurs adversaires des Genevois: Servette attire du monde, sur son seul nom. Et puis il y a cette part d’irrationnel, qui place depuis toujours les Grenat dans un éther magique et grisant, comme un club à part pour ce qu’il a toujours représenté et ce qu’il doit incarner encore: un certain état d’esprit, une idée du jeu. Ceux qui en parlent ne disent pas autre chose.

Christian Constantin, président du FC Sion, est-il heureux de revoir Servette en Super League? «Poser la question, c’est y répondre, coupe-t-il. En fait, c’est quand Servette n’est pas dans l’élite que cela devient un fait historique. Les Grenats devraient toujours figurer en première division. Je me réjouis de revoir ce club au plus haut niveau donc. Et j’espère qu’il va se développer. Le potentiel de ce club est sous-évalué. J’avais vu une étude sur les clubs européens qui disait que Servette n’exploitait que 20% de son potentiel, par rapport à la ville, au bassin de population et tout ça. J’espère que cette promotion va permettre au Servette FC de grandir encore.»

Le côté attractif de Servette

À Young Boys, chez le champion de Suisse, on voit aussi le retour de Servette avec bienveillance. Stéphane Chapuisat est en charge du recrutement pour les Bernois, il voit beaucoup de matches, il connaît bien ce Servette qui a enthousiasmé les pelouses de Challenge League cette saison.

«La Super League aujourd’hui, la LNA avant, cela a toujours été la place du Servette FC. C’est un club qui a une histoire, un passé, une tradition. Servette a toujours été attractif et tout le monde aime jouer contre Servette, cela ne m’étonne pas. Surtout: je ne connais pas les détails, mais j’ai l’impression, comme un peu tout le monde, que les bases ont l’air saines cette fois. À Servette d’écrire de nouvelles pages de son livre désormais.»

Ne pas répéter les erreurs

Au Tessin, il y a Lugano. Et Fabio Celestini. Comment les Tessinois voient-ils la promotion du SFC? «Comme celle d’un grand club qui revient dans l’élite, explique le Vaudois. Un club historique, avec un grand stade, qui retrouve sa place. J’espère surtout – et cela dépasse le cadre du seul Servette FC – que la Suisse romande aura appris des erreurs du passé. Pour que tout se mette en place sainement. C’est bon pour le foot suisse de briser un peu l’hégémonie suisse alémanique. Mais si je suis heureux de voir Servette de retour, je ne peux pas me réjouir de la relégation de Grasshopper.»

Dans l’inconscient collectif de la famille suisse du football, le Servette FC tient une place à part. C’est ce qui lui confère son capital sympathie aujourd’hui, au moment de fêter son retour dans l’élite. Cet instant se profile parfois sur fond de rivalité ancestrale, de jalousie régionale ou d’opposition de styles. C’est justement pour cela que Servette fait l’unanimité. Au moins jusqu’au moment du match. Parce qu’après, ce sera aux Grenat d’être à la hauteur de ce maillot que tout le monde se réjouit de revoir en Super League.

Daniel Visentini