Le sponsoring scientifique,
une tendance?

    

Pour financer UTP II, les deux responsables de l’expédition, Ghislain Bardout et sa femme, Emmanuelle, avaient dû vendre leur maison de Bretagne, suite à la défection d’un de leur partenaire. Pour leur troisième expédition, ils peuvent aujourd’hui compter sur un solide panel de sponsors. Des poids lourds dont Rolex, présent depuis UTP I, une entreprise du luxe ainsi que la banque genevoise Bordier.

Pour celle-ci, un tel partenariat est une première. «Nous n’avons jamais eu de sponsoring de cette ampleur mais beaucoup de mécénat culturel, avec par exemple des soutiens aux institutions genevoises telles que le Musée d’art et d’histoire, explique Michel Juvet, banquier associé chez Bordier & Cie. Également des projets philanthropiques, avec des aides à la construction et au fonctionnement d’écoles en Afrique. Jusqu’à UTP, il n’existait pas chez nous d’action d’une grande ampleur au nom de la banque, seulement des soutiens financiers à titre individuel de la part des associés et de manière ponctuelle.» Une première, donc, et un effort «substantiel jamais fait par le passé». Il ne dévoilera pas de chiffres.

Un vecteur pour l'image de l'entreprise

Les raisons qui ont motivé ces premiers pas dans le sponsoring convergent vers un point: l’image de la banque. «Nous voulions nous positionner clairement en termes d’image, afin de pouvoir montrer et partager nos valeurs. Mais il nous manquait un élément de visibilité plus efficace que nos outils traditionnels.» Il fallait donc un vecteur. Ce sera Under The Pole. «Ce sont des gens convaincus, passionnés, qui réfléchissent au sens de leur engagement, qui portent un sens de la responsabilité individuelle.» Christophe Leu, chef de la communication de Bordier, ajoute: «Ils n’ont pas une approche culpabilisante mais positive pour encourager à adopter un comportement responsable.»

Surtout, l’expédition incarne des valeurs que la banque revendique également: «L’esprit d’entrepreneur, la protection et la transmission du patrimoine, la capacité à s’engager sur le long terme et de manière responsable, gérer le risque pour générer la performance, ne pas rester à l’écart des enjeux environnementaux, résume Michel Juvet. Ainsi que des valeurs humaines.»

Pour construire son image et capitaliser sur celle d’Under The Pole, la banque doit être proactive en communication. Ce sponsoring lui offre une matière à décliner de manière très large. Les images lui fournissent un univers visuel pour des campagnes d’affichage. «Cette année, nous nous sommes servis de l’expédition pour l’organisation d’événements à la base d’UTP à Concarneau, un autre rendez-vous destinés aux clients et aux journalistes à Paris, et nous planifions des événements clients et journalistes «au fil de l’eau» lorsque le WHY passera à proximité des bureaux Bordier (Uruguay, Caraïbes, Bretagne)», rapporte Christophe Leu. C’est également de la matière pour faire vivre le site Internet, la newsletter, les réseaux sociaux et la communication interne. Avec, à la clé, des interventions en direct via Skype par Ghislain Bardout. Enfin, UTP fera office de thématique pour célébrer le 175e anniversaire de Bordier.

Retour sur investissement?

Quel retour sur investissement est attendu? «Viser une augmentation du nombre de clients n’est pas l’idée! répond Michel Juvet. On ne se paie pas une expédition pour montrer qu’on met de l’argent dans un projet durable. Il ne s’agit pas de vendre mais de montrer qu’on partage des valeurs fondamentales, que nous sommes présents sur cette thématique environnementale. On promeut un esprit, des valeurs.»

Sponsoring ou mécénat?

On parle de mécénat, de sponsoring, et on galvaude parfois un peu les termes. Henry Peter revient sur leur définition. Le mécénat à l’état pur est une aide, pas nécessairement financière; elle peut en effet être aussi logistique ou prendre la forme d’une fourniture de matériel, entre autres, pour soutenir un projet ou une personne à titre totalement désintéressé. A l’état pur, le mécénat est généralement anonyme. À l’inverse, le sponsoring a pour but la promotion de l’image du sponsor, en utilisant celle du sponsorisé ou de ses activités, il vise ce que l’on appelle un «transfert de notoriété» et d’image positive du sponsorisé en faveur du sponsor. Un retour est attendu.» Il ajoute qu’une situation intermédiaire existe, «un mélange où on attend un retour mais qui n’a pas prétention à être équivalent à l’investissement. On pourrait probablement classer le soutien de la banque Bordier à Under The Pole dans cette catégorie.»

«Une tendance à la hausse»

Bordier n’est pas la première entreprise à s’aventurer sur ce terrain du sponsoring dans les domaines de la science et de l’éducation. C’est même une tendance à la hausse, parfois liée aux attentes de la société, selon Henry Peter, professeur et directeur du Centre en philanthropie de l’Université de Genève. «Cela reste certes bien moins commun que les investissements dans le sport ou la culture, voire du mécénat dans l’humanitaire.»

Maarten De Winter, cofondateur et associé du cabinet genevois de conseils en sponsoring Sponsorize, confirme cet intérêt pour ces nouveaux champs. «Selon la société d’études Nieslen, qui a mené une enquête sur les tendances en marketing en Suisse, en Autriche et en Allemagne, entre 60 et 70% des investissements des grandes entreprises dans le sponsoring se font dans le domaine du sport, puis culturel, et enfin, un 10% dans l’éducation et la science, en augmentation. Pour ce cadre scientifique, on faudrait plutôt parler de partenariats publics privés plutôt que de sponsoring, qui sous-entend des objectifs marketing.»

Le cofondateur relève encore que cette incursion dans le domaine de l’éducation est déjà librement entrée dans les mœurs aux États-Unis. Avec son lot d’avantages, mais aussi de dangers: «Il faut que l’institution et ses chercheurs puissent conserver leur indépendance.» Le conseil vaut aussi pour la Suisse, à l’heure où les écoles polytechniques et les universités suisses acceptent toujours plus de financements de privés.

Sponsoriser un club de foot, et voir son nom affiché sur les écrans lors des diffusions de matches: efficace pour promouvoir son image. Quels retours sur investissement peut-on espérer en soutenant la science? Henry Peter revient d’abord sur la prise de conscience des entreprises du fait qu’elles ont une responsabilité sociale (RSE), ce qui influence toujours plus leurs pratiques dans le but de respecter les principes du développement durable. «On constate des attentes croissantes de la part des actionnaires, des investisseurs et des consommateurs, pour que les entreprises choisissent et exercent leurs activités en ayant conscience de leur responsabilité sociétale».

Maarten De Winter insiste sur l’importance croissante de cette RSE: «Cet aspect est scruté lorsqu’une entreprise est cotée en Bourse. Nos clients nous demandent de plus en plus de leur proposer des projets dans cette direction.» Pour rajouter une corde à leur arc mais aussi, continue l’expert, «car c’est un élément qui lui permet de gagner en capital sympathie voire de séduire de nouveaux investisseurs.»

Les océans, c'est porteur

Il ajoute qu’un type d’expédition comme UTP est un choix intéressant car porteur. «Certains sujets de recherche sont plus «tendance» que d’autres, c’est le cas de l’étude des océans. C’est très médiatisé. D’autre part, c’est un moyen, pour l’entreprise de se doter d’un moyen pour exister dans la durée en utilisant le projet scientifique pour raconter une histoire, alimenter la communication avec un contenu plus attractif que des données financières. C’est un moyen aussi qui peut servir de prétexte à l’organisation d’événements, une manière enfin de se démarquer de la concurrence et de drainer de l’audience.»

«Nos clients nous demandent de plus en plus de leur proposer des projets dans cette direction.»

Impressum

Textes: Aurélie Toninato
Photos: Aurélie Toninato, Franck Gazzola UTP
Vidéo: Maxime Horlaville UTP
Réalisation web: Aurélie Toninato
Illustrations: Aurélie Toninato avec Charles Vilain
Infographie: Olivier Chiacchiari
Rédaction photo: Enrico Gastaldello, Ester Paredes
Correction: Nicolas Fleury

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Textes: Aurélie Toninato
Photos: Aurélie Toninato, Franck Gazzola UTP
Vidéo: Maxime Horlaville UTP
Réalisation web: Aurélie Toninato
Illustrations: Aurélie Toninato avec Charles Vilain
Infographie: Olivier Chiacchiari
Rédaction photo: Enrico Gastaldello, Ester Paredes
Correction: Nicolas Fleury

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