Dans les années 1960, on assiste à ce qu’on a pu appeler une déchristianisation de l’Occident, les pratiques religieuses fléchissent. Mais Vatican II a permis d’enrayer un peu ce mouvement, «ça a été une révolution de l’Église catholique, on a ouvert la fenêtre pour aérer, comme le réclamait Jean XXIII», résume Michel Grandjean, professeur d’histoire du christianisme à l’Université de Genève et théologien protestant.
Lorsque Paul VI se rend à Genève, Vatican II vient justement de se terminer, cela a contribué à changer l’image de l’Église. Il répond à une invitation du BIT. La papauté s’intéresse alors à la justice sociale et au droit du travail.
Le cortège du pape devant l'Organisation internationale du travail
Le contexte est autre lorsque Jean-Paul II vient à Genève, pour une visite éclair d’un jour aux organisations internationales. Il a été victime, un an plus tôt, d’une tentative d’assassinat. Ça a décuplé sa popularité, encore plus lorsqu’en 1983, il ira rendre visite à son agresseur en prison.
«Mais il faut se rappeler qu’à l’époque, il y avait dans l’air l’idée de créer un évêché catholique à Genève, ce qui provoquait certaines crispations au sein d’une partie des protestants genevois», rappelle Michel Grandjean.
Peu de papes ont fait escale à Genève. Plongée dans les souvenirs de trois octogénaires qui racontent deux visites genevoises: Paul VI en 1969 et Jean-Paul II en 1982.
10 juin 1969: Paul VI au parc La Grange
Madeleine Brun, 87 ans, en a vu des papes. Quatre au total. Dont Jean-Paul II, à Genève, en 1982. Son mari était président de la Fédération catholique et gérait une partie de l’organisation de l’événement. «Je me rappelle qu’il était allé acheter en urgence 20 mètres de tissu en coton blanc, Palexpo n’avait pas assez de nappes pour couvrir l’immense autel! On les a gardés, j’en ai fait des draps pour le chalet.»
Elle a aussi vu Paul VI au parc La Grange. Elle avait alors 38 ans, un vélomoteur pour se déplacer et quatre enfants. «Je suis allée à la messe au parc avec ma fille de 10 ans, qui était enfant de chœur. C’était un très beau moment, il y avait une grande ferveur.» Elle ne souhaite pas être filmée, mais replonge volontiers dans ses souvenirs, avec un verre de sirop de sureau maison, au fil des pages de l’album soigneusement construit par son défunt mari. Ci-dessous, une photo de Madeleine prise quelques années après la visite de Paul VI.
15 juin 1982: Jean-Paul II, du CERN à Palexpo
Les pages du journal sont jaunies, les souvenirs semblent parfois brumeux. «On parle de 1982 quand même», insiste Jean-Claude Ferrier - 80 ans cette année - dans la salle des archives de la Tribune de Genève. Mais on n’oublie pas la visite d’un pape à Genève.
Un coup d’oeil à son article de l’époque et l’ex-journaliste se rappelle. Jean-Paul II était venu au CERN pour parler «science et religion». «Un sujet passionnant qui avait tenu les chercheurs présents en haleine.»
Malgré un programme chargé - visites de différentes organisations internationales - le pape n’avait pas envisagé son passage à Genève sans aller à la rencontre de la population. «Une messe gigantesque qui avait réuni près de 30 000 fidèles à Palexpo», se souvient Pierre Egger, ancien directeur administratif et des finances des lieux.
Aujourd’hui âgé de 80 ans, il revient volontiers sur les défis organisationnels, sécuritaires et sur quelques anecdotes d’une journée hors-norme, «comme on en vit qu’une seule fois».
Le pape Jean-Paul II à Palexpo