Gilles Simond



Certes, la fondation du Cirque Knie date de 1919. Cependant, l’histoire d’amour entre la famille Knie et les Vaudois est bien antérieure. En 1850 déjà, les «danseurs acrobates», comme on les désignait alors, attiraient un nombreux public sur la place d’Armes d’Yverdon, au parc de Morges, sur la place du Marché de Vevey, la Riponne ou Montbenon, à Lausanne.

«Depuis quelques jours, notre ville a l’avantage de posséder l’intéressante famille Knie, de Vienne, bien connue dans toute l’Allemagne (ndlr: probablement dans le sens de Suisse alémanique), lit-on dans la «Feuille d’Avis de Lausanne» du 11 juin 1850. On se tromperait fort en la considérant comme une réunion d’acrobates ordinaires, tels que nous en voyons si souvent. La famille Knie est composée d’artistes, de vrais acrobates, dans le beau sens du mot, supérieurs à tous leurs collègues par la grâce, la variété et le bon goût de leurs exercices. M. Knie est admirable de vigueur, de hardiesse et d’aisance dans ses sauts prodigieux sur la corde. Où trouver plus de grâce et d’amabilité que chez ses charmantes filles, Mlles Marie et Clara, dans leur pas de deux et dans leurs pantomimes? Et la petite Nina? Et son petit frère?»

À coup de deux ou trois représentations quotidiennes, on découvrait alors leurs numéros pour quelques batz (l’ancienne unité a circulé jusque vers 1852): 5 pour les meilleures places, 3 pour les secondes et 1 ½ pour les troisièmes classes.

La fête dans l’«Arène Knie»

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les attractions n’étaient pas nombreuses en terre vaudoise, et la venue des Knie, tous les deux ou trois ans, était un événement ardemment attendu. En plein air tout d’abord, puis dès les années 1860 dans la «Knie’s Arena», ou Arène Knie, à ciel ouvert, voire au Théâtre de Lausanne ou à l’ancien Casino d’Yverdon en soirée et en hiver, les sœurs et frères Marie, Nina, Antoinette, Sophie, Clara, Charles et Louis (en photo ci-dessous) Knie proposaient des danses hongroises, chinoises, espagnoles ou polonaises, exécutées en costumes du pays.



L’équilibriste Eugène Blondin – l’époux de Clara Knie – et sa famille présentaient des numéros de funambulisme mais aussi des pantomimes qui faisaient s’esclaffer le public. Un des fils Knie construisait une pyramide de bouteilles et s’y tenait debout sur une main. Un orchestre, un trapéziste, un homme fort venaient compléter le plateau. On ne saurait passer sous silence le clown Paillasse, qui, lui, ne dansait pas sur la corde, mais faisait danser une perche sur ses pieds. Les coups de pied au derrière dont on gratifiait ce souffre-douleur faisaient semble-t-il beaucoup rire l’assemblée.

Et l’on retenait son souffle au moment de la spectaculaire «grande ascension», durant laquelle un équilibriste grimpait, sur une corde tendue, du sol jusqu’au sommet d’un bâtiment bordant la place. Un numéro dangereux qui, naturellement, attirait les foules.

À Lausanne, la Riponne, fenêtres, terrasses et escaliers compris, était ainsi noire de monde pour voir l’un des acrobates s’élever jusque sur le toit du Musée Arlaud. «L’opération a très bien réussi aux applaudissements de la foule, et M. Knie a justifié une fois de plus la réputation d’adresse et de force que sa famille s’est acquise chez nous, où elle est avantageusement connue depuis longtemps», se réjouit ainsi la «Feuille d’Avis de Lausanne» du 13 septembre 1878. Une réputation qui ne s’est plus jamais démentie.